Uber un business model remis en cause par la crise du Corona Virus

Les grandes applications de taxi américaines doivent à l’avenir mieux sécuriser leurs chauffeurs. Cela menace la recette de leur succès : la réduction des coûts. Et de nombreux chauffeurs apprécient également le modèle actuel. Est-ce que le business model d’Uber est encore d’actualité?

Remise en question du business model d’Uber

C’est justement la Californie, berceau de la Silicon Valley et de l’App-Economy, qui remet en question le modèle commercial du plus grands fournisseurs d’application de taxi du pays, Uber. La semaine dernière, la Cour suprême de l’Etat a décidé que l’entreprise devait désormais traiter leurs chauffeurs comme des employés et non plus comme des sous-traitants indépendants. Les prestataires de services de transport qui souhaitent faire appel de cette décision devront donc à l’avenir prendre en charge les indemnités journalières de maladie, les cotisations d’assurance chômage et les jours fériés payés de leurs chauffeurs.

Ceux-ci méritent mieux qu’un emploi fixe, a en revanche argumenté le patron d’Uber  dans un article pour le New York Times. Le système actuel de l’emploi fixe est dépassé et injuste, affirme-t-il. En effet, en tant que collaborateurs, les chauffeurs Uber doivent renoncer à leurs horaires de travail flexibles. « Contrairement à un emploi traditionnel, les chauffeurs ont une liberté totale de choisir quand et comment ils veulent conduire et peuvent organiser leur travail en fonction des besoins de leur vie et non l’inverse ». C’est un argument qu’Uber ne cesse d’avancer. Soit les chauffeurs de l’application obtiennent de la flexibilité, soit ils obtiennent justement de la sécurité.

Les entreprises de transport répercutent tous les coûts

En se qualifiant de sous-traitants, les entreprises parviennent cependant à répercuter de nombreux coûts sur les conducteurs. Ils fournissent généralement le véhicule, paient l’essence, l’assurance et les éventuelles réparations. Les avantages légaux dont bénéficient les employés ne s’appliquent pas à eux, comme le respect du salaire minimum, le paiement des heures supplémentaires, la couverture d’assurance en cas de blessure ou de maladie pendant le service, les cotisations à l’assurance retraite.

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Dans son article pour le New York Times, le DG affirme que le souhait d’avoir une assurance maladie n’arrive même pas dans le top cinq des sondages auprès des conducteurs. En fait, beaucoup d’entre eux disposent déjà d’une couverture. C’est le cas par exemple par le biais de leur conjoint, d’un autre emploi ou d’une assurance maladie publique. Mais ce n’est pas non plus un bon argument. Car en clair, cela signifie que les coûts de cette protection – essentielle, surtout en période de pandémie – ne sont pas supportés par Uber, une entreprise qui, malgré la crise, dispose d’une valorisation boursière de plus de 50 milliards de dollars US.

Il est tout à fait vrai, que pour de nombreux chauffeurs, Uber ne sont qu’une source de revenus parmi d’autres. Cela s’explique par le fait qu’un seul emploi ne suffit plus aujourd’hui à de nombreux citoyens américains pour payer leurs factures.

Business model d’uber et Corona Virus

La crise du Corona virus montre à quel point ces contrats de travail bricolés sont précaires. Cela remet en cause le business model d’uber. Car en réalité, les travailleurs indépendants n’ont pas droit à des indemnités journalières de maladie ou de chômage. La situation aurait pu être pire si les Etats fédéraux ne leur avaient pas également accordé cette aide. Mais l’assurance chômage est également alimentée par les cotisations des employeurs. Uber ne cotise pas à ces caisses. L’inspection du travail californienne a calculé que l’État fédéral perdait chaque année sept milliards de dollars. Cette perte s’explique par le fait que les travailleurs sont classés à tort comme sous-traitants. Ainsi, le modèle d’entreprise ne se fait pas seulement au détriment des travailleurs individuels mais aussi de la collectivité.

Dans le New York Times, le directeur d’Uber a mis en garde contre les conséquences si son entreprise était contrainte d’appliquer la décision du tribunal. Uber pourrait alors être contraint d’employer moins de chauffeurs et d’être disponible dans moins d’endroits. Les trajets deviendraient plus chers et les utilisateurs ne pourraient plus se permettre autant de voyages. De ce fait, moins de personnes obtiendraient des emplois grâce à Uber. Avec actuellement 20 millions d’Américains sans emploi, cela sonne comme une menace. « Un modèle économique basé sur la pénalisation des travailleurs pour fonctionner ne devrait pas perdurer – ni en Californie ni ailleurs », a déclaré entre-temps Xavier Becerra, le procureur général de Californie. Il a déposé la plainte contre les fournisseurs d’applications de taxi, lors d’une interview.

Alphonse
Alphonse
Analyste financier et modélisateur mathématique, avec une expérience avérée dans la recherche. Compétent dans la gestion des risques financiers, les prévisions, l'allocation stratégique d'actifs, les produits dérivés, et passionné par le trading, avec une formation en astrophysique.

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